La commission de Défense de l’assemblée nationale a auditionné, le 17 septembre, les PDG des groupes de défense (http://www.assemblee-nationale.tv/media.12.4645#).
La presse s’est fait aussitôt l’écho de possibles suppressions d’emplois chez Thales. En fait, le groupe a déjà officialisé des suppressions d’emplois dans certains établissements avant le débat sur la loi de programmation militaire. Notons aussi que pour le président d’EADS, si « la tendance générale en Europe est une baisse des budgets », la France fait « exception », « la loi de programmation militaire préserve l’essentiel des capacités » industrielles. Pour le PDG de Safran, l’effort budgétaire est « extrêmement important » dans le contexte actuel. Le discours décalé de Thales renvoie donc à d’autres enjeux que la seule question budgétaire.
Thales le sait : L’Etat ne peut pas se permettre de relâcher ses efforts en matière de R&T (Recherche et Technologie) : en moyenne, de 2014 à 2019, 732 millions d’euros comme lors de la précédente loi de programmation militaire.
De plus, les crédits militaires ne sont pas les seules sources de financement public ! Le groupe puise déjà de manière discrète et efficace aux programmes d’avenir, au crédit impôt-recherche (mis en place sous Sarkozy) ou encore au CICE (crédit d’impôt compétitivité issu du rapport Gallois).
A cette audition, notre PDG, à l’instar de tous les groupes à composante militaire, a axé son intervention avec l’objectif de drainer un maximum de fonds publics à l’occasion de la loi de programmation militaire. Alerter sur le thème de l’emploi fait partie du jeu diront certains ! Renvoyer l’Etat à ses carences de notifications de contrats et ses reports successifs d’engagement qui désorganisent nos usines peut paraître de « bonne guerre ». Pour la Coordination CGT de Thales, ce n’est pas l’emploi des salariés qui doit servir de variable d’ajustement aux règlements des contradictions de l’Etat : servir en priorité la dette et prétendre préserver l’emploi.
Pour Thales, comme pour tous les Groupes mondialisés, les besoins de sécurité nationale sont d’abord regardés comme un levier pour capter l’explosion des budgets d’armement dans les pays émergents et les profits qu’ils promettent. Oubliée la dénonciation patronale de la pression fiscale : l’Etat est sommé de financer les futurs produits nécessaires et de se mettre au service de la conquête de ces marchés, afin de se ranger aux normes de profit arrêter arbitrairement par les actionnaires dominants.
Les actionnaires de Thales (47% de flottants pour 33% des droits de votes, 25% pour Dassault pour 30% des droits de vote) se contentent depuis bien trop longtemps d’exiger des commandes militaires de l’Etat Français à défaut d’une vision industrielle. La crise actuelle et l’affaiblissement industriel de la France rendent insupportable un tel comportement !
Un groupe comme Thales doit mesurer que la capacité financière de la France s’est affaiblie au rythme du recul de son industrie. Il doit comprendre que sa propre stratégie a participé de cet affaiblissement. Il doit admettre que nombre de pays sont dans des situations similaires du fait de la crise.
En France, Il devient urgent de réparer les dégâts de l’’accord Alcatel – Thomson CSF des années 80 ! Cet accord a enfermé Thales dans le tout militaire et la culture de cloisonnement associée, peu propice aux déploiements de nos technologies et savoirs. Il a amené par ailleurs au déclin d’un groupe comme Alcatel. La France ne peut se priver d’une filière électronique !
Thales doit désormais participer à la reconstruction de l’industrie civile dans un juste et efficace retour des choses à la fois pour lui-même et pour la solidité des finances publiques.
L’Etat doit cesser de ne voir dans Thales qu’un fournisseur de moyens de défense. Il doit aussi voir en lui un point d’appui pour reconstruire l’industrie électronique, d’autant qu’il en est un des actionnaires déterminants.
Lors de son audition, M. Levy a fait référence à Albert Fert (CNRS), prix Nobel 2007 pour ses recherches en collaboration avec le laboratoire de recherche du groupe. Il aurait dû faire amende honorable ! Les découvertes d’A. Fert sur la magnétorésistance géante n’ont guère été valorisées par l’industrie française alors que « C’est une découverte à 20 milliards d’euros par an » (Le monde, 10/10/2007). Les déclarations de Dominique Vernay, alors directeur de la recherche du groupe sont d’ailleurs à rappeler: « Nous n’avons pas de regret. On aurait pu devenir très riches si on avait eu une activité sur les mémoires magnétiques. Mais cela ne fait pas partie de nos activités, nous n’avons donc pas cherché à protéger ce champ d’applications particulier ». (Le figaro – 10/10/2007). Voilà qui définit un vrai axe de progrès pour le groupe…
M. Levy annonce « une baisse limitée mais contrôlée de l’emploi en France ». L’accord Anticipation du Groupe, auquel M. Lévy fait référence de façon sous-jacente, protège du pire les salariés par son volet défensif préservant les salariés du Groupe de plans de licenciements économiques, mais tarde à voir s’engager les potentialités offensives en matière de formation et développement de nos métiers. Plutôt que de proposer de participer à la privatisation de DCNS, qui aux dires du ministre de la Défense n’est pas à l’ordre du jour. Les moyens financiers du groupe seraient plus utiles dans le déploiement de nos savoirs pour répondre aux besoins des populations et à la reconquête de nos emplois industriels.
De l’imagerie médicale autour des sites Thales de l’Isère aux savoir-faire de TCS en matière de déploiement d’infrastructures et de moyens de communications sécurisées, de transport ferroviaire, etc. Thales a le potentiel pour concourir au renforcement industriel du pays. Cela facilitera la capacité budgétaire de l’Etat à assurer au niveau nécessaire la Défense du pays.
Il y a urgence à :
- Mobiliser les savoir-faire et libérer la créativité des salariés du Groupe.
- Protéger et développer les emplois par une politique d’embauches diversifiées et couvrant toutes les qualifications de l’ouvrier à l’ingénieur.
Retrouver ce tract ici: Réactions à l’audition de JB.Lévy à Assemblée Nationale